Alors que Donald Trump et son oligarchie continuent d’assombrir l’actualité mondiale, nous pouvons aller puiser de l’espoir en Serbie, dont le peuple nous donne une incroyable leçon de démocratie.
Le 15 mars, des centaines de milliers de personnes ont déferlé dans les rues de Belgrade lors d’une marche contre la corruption et contre le gouvernement en place. C’est la plus grande manifestation de l’histoire du pays. Nous en avons peu entendu parler, mais les Serbes sont en lutte depuis le mois de novembre contre leur gouvernement autoritaire après l’effondrement de la toiture de la gare de la ville de Novi Sad, qui a fait 15 morts. Les travaux de cette gare ont été confiés à des entreprises chinoises, sur fond de corruption et de négligence. Après 5 mois de mobilisations et plus de 1186 manifestations organisées à travers le pays, ce mouvement parti de la jeunesse serbe ne montre aucun signe d’essoufflement.
On en parle très peu aussi, mais des manifestations historiques ont eu lieu en Grèce ces dernières semaines pour le deuxième “anniversaire” de la catastrophe ferroviaire de Tempé qui a tué 57 personnes en 2023. Le chef de gare de l’époque, qui n’était ni formé, ni habilité à tenir ce poste, était un proche du parti au pouvoir. Ce 28 février, une grève générale a paralysé le pays, avec plusieurs centaines de milliers de manifestants dans les rues. Ils dénoncent une enquête bâclée et une administration corrompue. Ils demandent justice.
Aux États-Unis, où je me trouve en ce moment pour rencontrer des élus Démocrates qui s’organisent face à Trump, Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez font le tour du pays avec une série de meeting pour « ne pas laisser l’Amérique devenir une oligarchie ». Ce weekend à Denver, ils ont réussi le tour de force de réunir 30.000 personnes en plein air. C’est plus que le plus grand des meetings de Donald Trump lors de sa campagne électorale.
Et nous ?
En France, le procès de Nicolas Sarkozy pour le financement de sa campagne présidentielle par la Libye du dictateur Kadhafi se déroule sans qu’aucune grande télévision ne le couvre. Pourtant, il s’agit là du plus grand scandale de corruption de la 5eme république. Dans ses réquisitions, le Parquet national financier a fustigé un « pacte de corruption inconcevable, inouï, indécent ». Nicolas Sarkozy, bracelet électronique au pied, continue de nier.
À Bruxelles, un scandale de corruption autour de l’entreprise chinoise Huawei secoue le Parlement européen depuis maintenant 2 semaines. Cette affaire concerne d’anciens et actuels députés européens, ainsi que leurs assistants, soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin en échange de positions favorables à Huawei et à la Chine. Les députés auraient accepté entre 1500 et 15000 euros pour signer un courrier favorable à Huawei, qualifiant la régulation européenne de la 5G de « racisme technologique » contre la Chine. Depuis la révélation de ce scandale, 5 personnes ont été inculpées pour corruption active, organisation criminelle ou blanchiment d’argent.
En tant que co-présidente de l’intergroupe anticorruption au Parlement européen, j’ai saisi la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, pour que la réaction de l’Europe soit à la hauteur de ce scandale, qui s’ajoute à d’autres. C’est la crédibilité de nos institutions qui est en jeu.
À l’heure où la défiance à l’égard de la classe politique n’a jamais été aussi forte, et quand les besoins de financement des services publics sont immenses, lutter contre la corruption doit devenir une priorité. Pourtant, j’ai constaté le manque de volonté politique d’avancer sur ce sujet, notamment à droite de l'échiquier politique. Les groupes politiques de Xavier Bellamy ou de Jordan Bardella ont, par exemple, tenté de bloquer il y a peu la création et le budget d’un nouvel outil de contrôle de la corruption dans les institutions européennes. Comment le justifier ?
Nous avons besoin de renforcer la justice européenne, à l’état embryonnaire sous la forme du Parquet européen, créé en 2021. Ce parquet est dirigé par la procureure roumaine Laura Kovesi, une femme extraordinaire. Je ferai tout ce qu’il est possible au Parlement européen pour en renforcer les moyens législatifs et financiers.
Enfin, je suis négociatrice d'une loi européenne qui va renforcer l’arsenal de lutte contre la corruption dans chaque État membre. Comptez sur moi pour refroidir les ardeurs de certains États qui veulent vider cette loi de son contenu. Je vous en reparlerai très bientôt.
Alors que tant de pays à travers le monde se tournent vers l'autoritarisme, de courageux anonymes sortent dans la rue pour défendre des valeurs universelles : la démocratie, la justice, la liberté. Nous sommes à leurs côtés.
Sincèrement,
Chloé Ridel