#7 - Le monde qui vient 💭

Cette semaine, cela fera 100 jours que Donald Trump est arrivĂ© au pouvoir. Quel bilan peut-on tirer de la stratĂ©gie de la brutalitĂ© et de l’outrance qui s’est installĂ©e Ă  la Maison blanche ?

Tenir tĂȘte
3 min ⋅ 22/05/2025

La cote de popularitĂ© de Donald Trump est en chute libre, le tourisme aux États-Unis s'effondre, les entreprises et consommateurs amĂ©ricains souffrent face aux droits de douanes. Elon Musk se retire peu Ă  peu de la scĂšne politique, confrontĂ© Ă  une baisse drastique des ventes de son entreprise Tesla. Face Ă  la censure, des chercheurs amĂ©ricains quittent leur pays. La confiance des “alliĂ©s” de l’Oncle Sam est brisĂ©e, mĂȘme parmi les plus atlantistes comme l’Allemagne ou la Pologne. Elle mettra de longues annĂ©es Ă  se reconstruire.

De leur cĂŽtĂ©, les dĂ©mocrates amĂ©ricains sortent enfin de leur Ă©tat de sidĂ©ration. Des foules immenses se pressent aux meetings de Bernie Sanders et AOC. Les deux Ă©lus ont entamĂ© une grande tournĂ©e pour « combattre l’oligarchie » amĂ©ricaine et faire Ă©merger un mouvement populaire dans le pays.

L’Europe, malgrĂ© elle, est devenue aux yeux du monde le dernier refuge de l’État de droit. Dans un rĂ©cent sondage, 44 % des Canadiens se disaient favorables Ă  rejoindre l’Union europĂ©enne (un projet quasi impossible Ă  rĂ©aliser pour des raisons gĂ©ographiques Ă©videntes).

Pendant prĂšs d’un siĂšcle, les États-Unis ont dominĂ© l’économie et la gĂ©opolitique Ă  l’échelle planĂ©taire. Ce temps est rĂ©volu : s’il y avait encore un doute sur la reconfiguration en cours, les derniĂšres semaines nous ont prouvĂ© Ă  marche forcĂ©e que le reste des pays de la planĂšte pouvaient (et devaient) faire sans les AmĂ©ricains.

Tout ceci n’est que le dĂ©but. Si l’ordre du monde Ă©tabli Ă  la sortie de la Seconde Guerre mondiale s’effondre, alors il faut en construire un nouveau pour Ă©viter que la loi du plus fort ne s’impose.

L’Europe doit enfin s’émanciper de la tutelle amĂ©ricaine et dĂ©fendre son propre modĂšle. Elle doit se tourner vers le Canada, l’Inde, le Mexique, l’Afrique
 Elle doit aussi incarner un pĂŽle de rĂ©sistance aux vents mauvais dĂ©clenchĂ©s par Trump et Poutine.

Parmi ceux-lĂ , il y a le recul des droits fondamentaux et en particulier des droits des femmes. En se retirant de l’aide mondiale au dĂ©veloppement, les États-Unis ont, par exemple, coupĂ© l'accĂšs Ă  la contraception pour prĂšs de 50 millions de femmes sur la planĂšte. En Afrique du Sud, la suspension de ces financements pourrait entraĂźner 500 000 dĂ©cĂšs supplĂ©mentaires sur les 10 prochaines annĂ©es, en majoritĂ© des femmes.

Par ailleurs, des mouvements conservateurs et masculinistes tentent d’imposer leur vision du monde. Ils sont trĂšs bien organisĂ©s et financĂ©s. Ils ont participĂ© Ă  l’élection de Donald Trump aux États-Unis et soutiennent Viktor Orban en Europe. Entre 2019 et 2023, c’est plus d’un milliard d’euros qui leur a Ă©tĂ© versĂ©, rien que sur notre continent (c’est 5 fois plus qu’il y a 10 ans).

En face, que faisons-nous pour soutenir les organisations progressistes qui luttent, elles, pour l’émancipation des femmes et des filles ? Peu de choses : moins de 1 % du financement mondial pour le dĂ©veloppement parvient aux organisations de femmes sur le terrain, alors que ce sont elles qui font la diffĂ©rence.

C’est pour ça que j’ai rĂ©uni au Parlement europĂ©en 30 organisations de la sociĂ©tĂ© civile, des membres des institutions et des gouvernements, pour appeler Ă  la crĂ©ation d’un fonds europĂ©en de soutien aux organisations fĂ©ministes dans le futur budget europĂ©en. Voici une proposition concrĂšte pour enrayer la montĂ©e des extrĂȘmes droites sur la planĂšte : que les femmes du monde aient les moyens de s’éduquer et de participer aux affaires publiques.

La recherche internationale l’a prouvĂ©, les sociĂ©tĂ©s les plus avancĂ©es en matiĂšre d’égalitĂ© de genre sont aussi les plus stables, les plus prospĂšres et les plus dĂ©mocratiques. Selon le Forum Ă©conomique mondial, les pays qui suivent une “stratĂ©gie solide en matiĂšre d'Ă©galitĂ© des sexes“ obtiennent de meilleurs rĂ©sultats Ă©conomiques. Dans les pays en conflit, lorsque les femmes sont en mesure d'exercer une influence sur les nĂ©gociations, la paix est Ă  la fois plus rapide Ă  obtenir et plus durable.

Dans un monde oĂč la menace de la guerre ressurgit, nous devons prendre conscience que notre sĂ©curitĂ© ne dĂ©pendra pas uniquement de la dissuasion militaire, mais aussi de l’émancipation des femmes et des filles. L’égalitĂ© n’est pas seulement une question de justice, c’est aussi une politique de sĂ©curitĂ©. Je porterai cette idĂ©e jusqu’au bout.

SincĂšrement,

Chloé Ridel

Tenir tĂȘte

Par Chloé Ridel

Chloé Ridel est élue députée européenne en 2024, et porte-parole du Parti socialiste depuis 2023. Engagée pour la réforme des modes de scrutin comme co-fondatrice de l'association "Mieux Voter" et le développement de politiques écosociales à l'Institut Rousseau, elle se bat désormais au Parlement européen pour la protection de la justice internationale et la lutte contre la corruption.

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